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2. Après la révolution belge, création d’une société de tir.

Après l’Ere des Révolutions (1789 et 1830), les Arbalétriers durent se réorganiser sous de nouvelles formes. En 1861, dans plusieurs villes de Belgique, des corporations d’arbalétriers établirent des tirs au but à la petite arbalète et organisèrent entre elles des concours.
La Compagnie des Arbalétriers visétois voulant, elle aussi, faire revivre l’arme de ses ancêtres, établit dans son local un tir du même genre, ayant le même but et le corps des officiers se reconstitua en société sous la dénomination de Société de Tir à l’Arbalète annexée à la Compagnie des Anciens Arbalétriers Visétois. Des membres honoraires, en dehors de tout parti, purent sous certaines réserves, en faire partie. La nouvelle institution fut accueillie avec joie, dit Victor HORION, dans la Notice historique de 1910 : « Ses partisans y trouvèrent une récréation des plus agréables et l’on vit bientôt un grand nombre d’adroits tireurs se signaler dans les concours auxquels ils prirent part ».
La Société de Tir visétoise s’est alors inscrite à la Fédération des Arbalétriers de la province de Liège et a entretenu dès lors des relations avec les Gildes d’Arbalétriers du pays (Bruxelles, Anvers, Louvain, Malines, Diest, Gand, Bruges), en les invitant toujours à leurs concours.
Ainsi le Journal de Visé signale dans son numéro du 14 août 1874 que « la Compagnie des Arbalétriers Visétois organise pour samedi et dimanche (15 et 16 août) un concours de tir à l’arbalète auquel toutes les sociétés arbalétrières de notre province ont promis leur concours ».

Il faut encore mentionner que les inventaires établis au début du XXème siècle et que divers articles de journaux, mentionnent un drapeau du Tir datant de 1848.

Un personnage important mérite d’être cité ici : le colonel Achille GREGOIRE. Ce pharmacien de Herstal, président de la Section de Tir avait, en octobre 1901, reçu les félicitations de la Commission « pour l’activité qu’il déploie pour la prospérité de la Société de Tir, pour avoir réveillé le goût du tir et pour avoir enrichi la Section de Tir de 13 nouvelles arbalètes ».
Il est alors octroyé un subside à la Société de Tir pour organiser un grand concours fédéral – donc à l’échelle provinciale – de tir à l’arbalète.
Lors de la fête de la Saint-Georges du 29 avril 1906, le colonel Achille GREGOIRE, devenu président des Arbalétriers de la province, fait inaugurer le nouveau drapeau fédéral.


Comité fédéral : Achille GREGOIRE est assis au centre, entouré des sociétés d’Arbalétriers de la province de Liège.

C’est à cette même époque qu’un arbalétrier visétois obtint une distinction excessivement rare en qualité de tireur. Le colonel Jean LENOIR-COLSON remporta en effet le titre d’Empereur fédéral, en vertu du règlement qui l’accordait au tireur ayant conservé pendant trois années consécutives, le titre de Roi fédéral.

Cela lui fut attribué le 29 juin 1908 à Liège, en l’hôtel des comtes de Méan, où il fut proclamé « Empereur des Arbalétriers de la province de Liège ».


Colonel en chef Jean LENOIR.

La préparation du concours de tir des festivités du 6ème centenaire ne se fit pas sans mal. Des dissensions se font jour au sein du comité : c’est ainsi que le 21 juin, à un peu plus d’un mois des festivités, le major Jules PETRY adresse au président de la Section de Tir, une lettre par laquelle il remet sa démission de membre du comité de tir chargé de préparer le concours des fêtes jubilaires, de vice-président et de membre de la Commission de Tir. Il justifie cette décision « suite au vote de la dernière réunion de commission ».
Il semblerait que l’intéressé ait été déçu de ne pas être promu au grade de colonel, alors qu’il était déjà membre de la Commission administrative.
Finalement, le Comité organisateur du concours de tir est le suivant :

Président : Achille GREGOIRE ;
Secrétaire : Fernand MARTIN père ;
Membres : J. ALBERT, Joseph BROUHA-BOVY, Jean BROUHA, Jean LENOIR et
Fernand MARTIN fils.

Il est prévu un « grand concours de tir à la petite arbalète (distance de 10 mètres, blason rond, rose 12 mm) », doté de 500 francs de prix ainsi que d’un magnifique chronomètre en or, don du Roi des Belges, Albert Ier.
Ce concours devait se dérouler en 5 étapes, les 7-8-21-22 et 28 août.
Par ailleurs, un grand concours de tir à l’arc au berceau était prévu le 15 août à 10 heures, dans la cour de l’Ecole Moyenne. Le « tir au bersault » (dénomination d’origine), un tir horizontal, se distingue du « tir à la perche », tir vertical.
Ce tir désigne aussi bien le tir à l’arbalète que le tir à l’arc. Selon les types d’armes, les distances s’échelonnent entre 4,5 m et 90 m. Il a lieu en plein air accompagné de panneaux de protection.
Ce concours était organisé sous la direction de la Société « Les disciples de Saint-Hubert », d’Eijsden (Pays-Bas).

Une semaine avant le début des manifestations entourant le 600ème anniversaire, les Arbalétriers visétois prennent encore le temps de participer à Liège, au quartier de l’Ouest (actuel quartier Saint-Léonard), à un cortège formé « des délégations nombreuses des cinq sociétés fédérées de la province de Liège : la Compagnie royale et la Société de tir de Visé (elles comptent bizarrement comme deux sociétés distinctes, alors que ce n’est pas le cas, ndlr), les Vrais Arbalétriers, l’Espérance et les Disciples de Guillaume Tell, de Liège. On remarquait aussi la Société royale La Fidélité, de Bruxelles. Chacune de ces sociétés était précédée de son drapeau, cartel ou fanion », La Meuse, 25 juillet 1910.
A trois heures de l’après-midi, un concours de tir était organisé dans les salons d’étage de l’hôtel des comtes de Méan.

Les concours du 600ème anniversaire donnent lieu à de belles joutes sportives. Seule ombre au tableau, une altercation survient entre le président GREGOIRE et le tenancier du local, Gérard Perot, le 8 août, deuxième jour des compétitions. Le président du Comité de Tir adresse une lettre de démission au général-président qui, dans de telles circonstances, ne peut évidemment accepter ce qu’il considère comme un mouvement d’humeur.
L’affaire ne va pas en rester là. Après les festivités, la Section de Tir ne reprend pas ses activités, preuve que le malaise est profond.
Le 2 avril 1911, la Commission administrative de la Compagnie prend une mesure radicale : « en présence de l’inaction constatée de la Commission de Tir depuis plus d’un an, et l’absence de ses membres même après plusieurs convocations, la Commission administrative de la Compagnie Royale propose de la dissoudre et de nommer un comité provisoire chargé de réorganiser une nouvelle commission mieux disposée à soigner les intérêts de la Société de Tir ». Il est composé des personnes suivantes : messieurs Pierre PEROT-FRENS, Grégoire NELISSEN, Jean LENOIR, Thomas DOSSIN, Henri DOUIN, Nicolas DUMOULIN et Joseph BROUHA.
Tous, à l’exception de Grégoire NELISSEN, sont membres de la Commission administrative et fidèles à la direction de la Compagnie. De surcroît, tous demeurent à Visé et Thomas DOSSIN sait qu’il peut compter sur eux. Ce rejet des étrangers à la ville se marque de la même manière dans les nouveaux statuts de la Compagnie, adaptés l’année suivante.
Cette politique constitue, selon toute vraisemblance, une des conséquences de la tentative de dissidence des « Enfants de Bavière », au début de l’année 1910 : il était désormais important d’affirmer l’identité visétoise.

La Première guerre mondiale va mettre un frein à toutes les activités arbalétrières, qui vont être suspendues durant six années. Une grande partie du patrimoine de la Compagnie (notamment les deux Cornettes et les drapeaux) disparaît dans l’incendie des 15 et 16 août 1914.
Heureusement, tout ne fut pas perdu : Henri DOUIN, le premier conservateur du Musée et le colonel Henri WATHELET se rendent au local du tir dans la soirée du 10 août, jour où les Allemands ont incendié la tour et la plus grande partie de la collégiale. Là, ils décident d’agir et réussissent à enlever les quatre arbalètes anciennes : La Marguerite, La Duc d’Albe, L’Horloge sins Wène et La Reute Latte.
Ils parviennent, au péril de leur vie, à les transporter (dans une brouette, selon certains) et à les enterrer dans le jardin de Maximilien Lambert. En octobre, le tambour-major Nicolas DUMOULIN, qui était vitrier, va les déterrer et réussit à les faire passer aux Pays-Bas, dissimulées dans des caisses. Elles y furent précieusement conservées par la famille DOSSIN, réfugiée dans ce pays.
Beaucoup d’autres arbalètes – excepté celles que les membres conservaient à leur domicile finirent dans l’incendie.