1310. La tradition historique ainsi que les documents d’époque font remonter à 1310 la fondation par Thibaut de Bar, prince-évêque de Liège, de la gilde des arbalétriers visétois. C’est en cette année que celui-ci prend possession de ses droits sur la ville de Visé. Il reçoit ces droits à l’occasion d’un échange qu’il fait avec le chapitre cathédral, auquel le prince cède la cour de justice d’Amay.
1330. Le Prince-Evêque Adolphe de la Marck érigea Visé en oppidum, en faisant entourer la ville de fossés & de murailles et en y élevant des remparts en pierres de taille, avec portes d’accès.
Ce fait à lui seul, pourrait suffire à prouver l’existence d’une milice à Visé, car on ne pourrait concevoir l’utilité de remparts, s’ils ne sont point défendus.
1376. Jean d’Arckel, évêque de Liège, alors en guerre avec sa turbulente principauté, voulut s’emparer de Visé. La milice de cette ville, avertie par des guetteurs, courut aux armes et repoussa les assaillants. La défense des murs dura trois heures, au bout desquelles les troupes du prince furent forcées de fuir, abandonnant la bannière de leur maître aux mains d’une jeune fille qui s’était jointe aux Visétois.
Ainsi dès le 14ème siècle, la ville de Visé désormais cernée de remparts, était bien défendue.
Les Arbalétriers, même si le chroniqueur ne les mentionne pas ont dû jouer un rôle important dans cette défense victorieuse.
1379. Une légende du quatorzième siècle fait jouer un rôle aux Arbalétriers. « Le Seigneur d’Argenteau s’était épris d’une des vassales employée au passage d’eau de la Meuse et fiancée à un Arbalétrier de Visé. La jolie batelière ayant repoussé les avances du Seigneur, il l’enleva et la jeta dans l’un des souterrains du château. Après avoir abusé de la jeune fille, il l’assassinat et précipita son corps dans la Meuse. Le jeune Visétois, altéré de vengeance, courut demander de l’aide aux Arbalétriers qui vinrent assiéger le manoir et le renversèrent de fond en comble .
Ce n’était pas la première fois que Liégeois & Visétois avaient affaire au sire d’Argenteau qui rançonnait les voyageurs qui circulaient par voie de terre ou sur le fleuve. Nous possédons un témoignage
historique de 1347 qui retrace l’un de ces épisodes :
« Dans la guerre que les Liégeois furent obligez de soûtenir au siège du château d’Argenteau, appartenant à Richard d’Argenteau qui ravageoit le Païs, on y créa trois chefs à la tête de l’armée,
scavoir Bertrand de Liers, Henri de Lardier & le susdit Antoine de Blavier. Ce dernier s’étant peu après rangé du parti de l’Evêque Englebert (de la Marck, 1345 – 1364) qui le créa en même tems conseiller & capitaine, eut le malheur d’être noyé devant Visé en passant la Meuse à la vue de la troupe qui l’accompagnoit. »
Ce texte nous apprend plusieurs choses : tout d’abord que les Liégeois, pour attaquer Argenteau, devaient passer par Visé car la voie entre Cheratte & Argenteau ne fut ouverte qu’au 19ème siècle ; ensuite – qu’en l’absence de pont- le passage de la Meuse, même à gué, n’était pas sans danger ; enfin que la seigneurie d’Argenteau qui dépendait du comté de Dalhem (et donc du duché de Brabant) entravait le commerce de la basse Meuse.
Le 15 juillet 1347, les défenseurs du château d’Argenteau livrèrent la place à leurs vainqueurs. Durant deux jours, le repère du sire d’Argenteau fut soumis à une entière destruction & le péage sur la Meuse aboli.
1441. Nous devons la première mention de l’existence des arbalétriers visétois à Jean de Stavelot, moine bénédictin de l’abbaye de Saint-Laurent à Liège, qui décrit ainsi un grand concours de tir à l’arbalète organisé dans la cité, sous le règne de Jean de Heinsberg.
« Le 17 juin 1441, les compagnons des arbalestriers des bonnes villes des pays de Liège & de Looz vinrent à Liège et tout spécialement ceux de Tongres, Dinant & Hasselt etc…
Le 18 juin, on tira au sort et l’on fit de grandes réjouissances.
Le 19 juin, ceux de Saint-Trond tirèrent(…)
Le 21 juin au matin, ceux de Huy ; après-midi ceux de Thuin & de Visé (…)
Ce même jour (22 juin) on tira à la corde raide, de Tongres, Dinant & Hasselt, mais ceux de Bilsen remportèrent le prix: un hanap d’argent (grand vase à boire), tandis que ceux de Liège remportèrent le vin contre toutes les cordes raides & aussi contre toutes les bonnes villes susdites, excepté Hasselt & Maestricht. »
La remise des prix eut lieu dans la soirée du 23 juin.
Illustration d’arbalétriers au Moyen-Age, d’après la chronique de Froissart. Bibliothèque nationale de France.
1467. Plus exactement le 18 août de cette année, les Visétois firent une excursion sur le territoire de Dalhem. Selon toute vraisemblance, il s’agissait d’Arbalétriers puisqu’ils marchaient derrière la bannière de Saint-Georges.
Outrés par les sanctions prises par le Téméraire envers la ville de Dinant, les Visétois avaient décidé de braver le Prince en envahissant un domaine relevant de son autorité, en l’occurrence le comté de Dalhem.
Ainsi vont- ils piller le village de Berneau, aidés par des Liégeois venus à la rescousse.
Suite à cet assaut, les Limbourgeois se réfugièrent dans la tour de Bombaye. Les Visétois y mirent le feu. On put sauver les femmes et les enfants au moyen de cordes : les hommes furent
brulés vifs, trucidés sur place ou pendus.
le donjon de Berneau après sa reconstruction.
Autre anecdote tragique : un certain Thys, marchand-batelier venant de la Gueldre remontait la Meuse conduisant plusieurs bateaux chargés de caques de harengs fumés, du sel…
Il accoste à Visé mais refuse le sauf conduit proposé contre le Sire d’Argenteau. Les hommes d’armes de Jacques, Seigneur d’Argenteau & bailli de Hesbaye s’emparent des bateaux & de leur chargement. Ils déchargent alors les barques afin d’emmener les denrées dans les celliers de la forteresse.
Mais à ce moment, interviennent des hommes armés, partisans des Liégeois et adversaires de Louis de Bourbon & de son bailli : « Il y avait là ceux de la garnison d’Hermalle (poste installé par les Liégeois à Devant-le-Pont) et plusieurs Compagnons.» Le mot compagnon peut désigner un membre d’une compagnie d’arbalétriers à pied ou à cheval.
Charles le Téméraire, Duc de Bourgogne 1467 à 1477
« Tant 10 ou 12 de Viseit, ensi que par recort des esquevins du dit Viseit… »
Les Echevins de Visé durent en effet, plus tard se prononcer sur la plainte du commerçant délesté de sa marchandise.
Une fois les hommes de mains refoulés vers la forteresse, les compagnons s’emparèrent « des dits pontonts (barques à fond plat), marchandises & denrées en asportant le résidu. »
Ces faits se sont produits avant le 28 octobre, jour de la défaite liégeoise de Brustem, probablement peu après l’expédition contre Berneau & Bombaye, les 18 & 19 août.
Le Téméraire ne pouvait supporter l’affront fait par les Liégeois qui avaient chassé Louis de Bourbon.
Celui-ci, imposé comme prince-évêque en 1456, n’avait jamais été accepté par ses turbulents sujets.
L. de Bourbon & le haut Bailli de Hesbaye
La défaite de Brustem est une catastrophe pour la patrie liégeoise. Un vainqueur, en colère marche maintenant sur sa capitale.
Selon l’historien John Knaepen, qui a étudié les actes de confiscation des biens, au moins une trentaine de Visétois prirent part aux luttes contre les Bourguignons. Charles le Téméraire, flanqué de son protégé Louis de Bourbon fait son entrée officielle à Liège le mardi 17 novembre au milieu d’un morne silence.
Le 27, il descend la Meuse pour gagner Maestricht où il va séjourner une semaine. Pendant son séjour dans cette ville, il envoie ses capitaines dans toutes les villes du pays afin de commencer la destruction des remparts.
Les Visétois vont connaitre la dure loi des vainqueurs.
Tous les moyens sont bons : pillage, homicide, viol & incendie. La première phase de la répression est la mise à sac. Les gens d’armes bourguignons sont aidés efficacement par les gens de Dalhem.
Visé est selon le chroniqueur , « arse et destructe », brûlée et détruite : le souvenir des immeubles incendiés ou abattus, des remparts démantelés et renversés dans les fossés, des arbres sciés, des vignobles arrachés … s’est perpétué dans un certain nombre d’actes. Les faubourgs de Devant-le-Pont et Souvré ne furent pas épargnés comme ils le seront en août 1914.
Armoiries de Louis de Bourbon
Un Visétois fut particulièrement touché, selon l’historien John Knaepen, Jehan le Marischal, échevin de Visé & membre de la Compagnie des arbalétriers.
Sa famille fut sévèrement rançonnée entre 1468 & 1477, et sa halle, située rue du Perron, fut incendiée par les soudards bourguignons.
Il est plus que probable que c’est à cette date qu’il faut placer la destruction & la perte de nombreuses archives de la gilde antérieures à 1468.
Dans un ancien registre de la gilde des Arbalétriers visétois, une indication intéressante, datant du début du seizième siècle, fait allusion à la « confraterniteit Saint-Georges des Albalestries de Viseit sur Mouse » : on trouve aussi le terme compagnie des Arbalétriers…
Certains ont laissé entendre, que les Arbalétriers se recrutaient dans les classes privilégiées…
Voilà une hypothèse invérifiable. La seule chose que l’on puisse affirmer avec certitude, c’est que ce fut sans doute le cas à une certaine époque.
En effet, un article du règlement de l’année 1600 stipule que le Roy de la compagnie devait lui fournir lors de son investiture, un demi-mouton, un demi-veau, et une tonne de cervoise. Comme on sait que chaque membre, grâce à son adresse, avait la possibilité de devenir Roy, il apparaît que la majorité des confrères devaient être fortunés. En a-t-il toujours été ainsi ?
Au Moyen-Age, ils étaient recrutés dans les trois métiers de la ville :
les « naiveurs » (bateliers, pontonniers etc…), les « cherwiers » (agriculteurs) & les vignerons.
Illustration d’une bataille au Moyen-Age, d’après la chronique de Froissart. Bibliothèque nationale de France
Concours de tir à la perche. 1505. Codex de Balthasar Behem. Bibliothèque Jagellonne Cracovie