La fabrication industrielle des traits
Le développement de ces armes entraîna une forte demande en arbalètes et en munitions. En temps de paix, le gros de la garnison d’un château fort était souvent constitué d’arbalétriers; à des avant-postes stratégiques tels que le port anglais (à l’époque) de Calais. Le stock de carreaux s’élevait à 53 000 unités. Les autorités de ce port avaient l’habitude d’acheter les carreaux par lots de 10 000 ou 20 000 unités. De 1223 à 1293, la famille Malemort de la Forêt de Dean, en Angleterre, produisit près d’un million de carreaux.Pour satisfaire la demande, il fallut organiser une production en série, et ce bien avant la Révolution industrielle. A titre d’exemple, une machine conçue pour fabriquer des flèches comprenait une paire de blocs de bois vissés l’un contre l’autre pour former un étau; chaque bloc était muni d’une rainure où se logeait le fût d’une flèche. Les ailerons dépassaient par des fentes bordées d’une plaque de métal qui servait de guide pour tailler chaque penne (ou aileron) à la dimension et à la symétrie voulues.
Un second exemple de mécanisation est la machine à dégauchir qui était probablement utilisée pour calibrer les fûts et tailler les encoches où allaient s ‘insérer les pennes. Les fûts en bois de petit diamètre étaient difficilement réalisables avec les tours de l’époque car les flèches ployaient sous la pression du couteau. Avec cette dégauchisseuse, l’outil de coupe est maintenu dans un bloc de bois muni de deux poignées opposées.
Le bloc glisse le long d’un support qui maintient fermement en position le fût de la flèche. L’outil de coupe continue la gravure jusqu’à ce que son bloc repose sur le haut du support. Cette machine contrôlait automatiquement la profondeur et l’orientation de la gravure et permettait de produire des carreaux ayant des dimensions presque toujours identiques.
Après Léonard de Vinci, l’arbalète commence à être supplantée par les armes à feu; toutefois, sur les navires, les arbalètes furent employées plus longtemps pour deux raisons. D’une part parce qu’elles ne risquaient pas de prendre feu – problème propre aux premières armes à feu – et, d’autre part, parce que le bastingage des navires protégeait les marins en train de recharger; des arbalètes plus massives continuèrent à servir pour la pêche à la baleine. Sur terre, les armes à feu supplantèrent peu à peu les arbalètes pour la chasse.
Une exception, cependant, concerne une petite arbalète à pierres ou à balles cette arme, utilisée pour la chasse au petit gibier, survécut jusqu’au XIXème siècle.
Le fait que cet arc à balles ou à chevrotines reprenne certaines caractéristiques des armes à feu marque une inversion dans la relation d’évolution entre ces deux types d’armes certains traits des armes à feu, tels que les fûts, les déclics de détente et les viseurs ajustables, avaient, à l’origine, été mis au point pour des arbalètes, en particulier pour les arbalètes de tir sur cible qui existent encore un peu partout dans le monde.
Au XXème siècle, l’invention des matériaux en fibre de verre a permis à l’arbalète de reprendre du service. Les fibres de verre sont les équivalents modernes du ligament et les matières plastiques ont remplacé la corne de buffle. Bien que la nouvelle mode du tir à l’arbalète ne suive que de très loin celle du tir à l’arc, il est indubitable qu’elle a un certain succès.
L’arbalétriers moderne a entre ses mains une arbalète bien plus perfectionnée que l’arme médiévale.